Critique

Jazz Impro parle...de jazz entre autre mais surtout de quelques hommes tout simplement. Il est réedité dans la collection 10/18 musiques et cie.
Ecrire sur le jazz est apparemment chose difficile. Je me souviens particulièrement du "Prix du Livre Inter" laborieux il y a deux ou trois ans.
Ici, le pari de Geoff Dyer est plutôt ambitieux
Improviser sur la vie d'un jazzman
Un peu comme un jazzman qui joue sur un standard sans pour autant dénaturer ou trahir le morceau, l'auteur fait la même chose mais avec des mots. A partir d'éléments pris dans la vie de quelques jazzmen célèbre,Duke Ellington,Bud Powell,Charles Mingus,Ben Webster,Lester Young,Chet Baker et Art Pepper,Dyer "improvise" sur ce qui a pu se passer.
Plus qu'une réussite!
Dyer nous brosse des tranches de vie saisissantes. En quelques lignes, il arrive à nous raconter de vraies histoires. La banale virée du Duke en voiture, les derniers instants de Lester Young dans l'Alvin Hotel, les pérégrinations mélancoliques de Ben Webster en Europe, la vie du junkie Art Pepper. Cette dernière très réussie nous raconte de manière drôle comment dont il séduit une jeune anglaise innocente entre deux séjours en prison mais aussi son quotidien de junkie le plus cru avec quelques moments de grasse quand un codétenu lui déniche un alto.
A travers cela, c'est le blues qui ressort avec ces êtres mélancoliques, brisés, toujours entrain de livrer bataille comme Mingus mais qui rayonnent. Les moments de bonheur sont rares mais intenses, un peu comme un morceau de jazz! Une triste figure qui hante ces personnages est bien sur l'Amérique raciste.
Ce qui frappe pour le lecteur amateur de jazz (et peut-être aussi pour le néophyte mais pas de la même façon) c'est finalement la simplicité de ces gens que les amoureux du jazz dont je fais parti considèrent quasiment comme des Dieux.
Un livre dont on ressort un peu mélancolique et en même temps heureux, ça doit être ça le blues...
Un livre qui se termine par une réflexion sur le jazz
Dyer de plus nous gratifie d'une réflexion sur le jazz, sur son passé mais aussi les questions actuelles. Il explique de façon très convaincante l'importance de cette musique en s'appuyant même sur les dires du grand historien Eric.J.Hobsbawn (spécialiste de l'histoire contemporaine auteur de l'excellent "L'Age des Extrêmes". Pourquoi cette musique a t'elle touché autant de gens et évoluée aussi vite: les besoins du siècle, les cadences infernales des musiciens qui jouaient tout le temps de cachets en cachets, de villes en villes sans jamais s'arrêter... Une seule chose pouvait aussi permettre à des individus banals de se révèler: le jazz. On a également une réflexion intéressante sur la courte durée de vie des jazzmen en les mettant en rapport avec des artistes dans d'autres domaines (peintures, littératures) et aussi avec leur art. Pourquoi ces musiciens ont pour beaucoup fini brutalement entre fusillades, drogues, rixes, alcool? Dyer apporte ici quelques pistes.
L'auteur remet donc le jazz à sa place (il règle aussi quelques comptes): en préoccupation constante avec son époque et fait très bien ressortir une des choses qui fait l'essence de cette musique: un état d'urgence permanent.
écrit le 31 juillet 2004 par martin
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