Critique

Un polar "historique" sous forme d'intrigue d'espionnage en 1700, à la veille de l'élection papale et de la mort du roi d'Espagne, ouvrant la question de sa succession qui à l'époque engagea les principales puissances européennes. Monaldi Ritta et Sorti Francesco, Secretum, Plon 2004. 762 pages.
Un pavé
A la vue du livre, ses 762 pages, sa grandeur laisse déjà augurer un sacré pressentiment. Ça fait très lourd tout de suite et malheureusement, la première impression se retrouve vite confirmée. C'est laborieux. D’un point de vue purement stylistique, ça se rapproche très bien du caractère du héros du bouquin : pompeux, vaseux, maladroit. On s'englue, on s'ennuie ferme. Une phase primordiale d'un polar, la psychologie des personnages semble ici bien mince voire quasiment inexistante. on a l'impression d'assister à une série de scènes d'époque bien documentées mais mise en place de façon malhabile. C'est plat, lisse, un comble quand on songe à l'épaisseur du bouquin. Pas de doute, ce n'est pas édité chez plomb pour rien!
Un bouquin prétentieux!
Mais là où les auteurs commentent ce qu'il convient d'appeler un errement, c'est dans leur méthodologie. Que l'on invente des histoires sur une trame historique, bien, bien, il y a de quoi faire. Là où c'est grave c'est quand les auteurs prennent pour vraies leurs théories. Les preuves documentées à la fin du livre sont là pour nous prouver les dires des auteurs. Si la question du testament du roi Charles II d'Espagne pose question (je m'y suis moi-même cassé les dents l'an dernier), les auteurs partent de l'hypothèse après tout vraisemblable que celui-ci est faux. Les preuves apportées en fait enfoncent un peu les auteurs puisque ceux-ci leurs font un peut dire ce qu'ils veulent. Si s'imaginer ce qui aurait pu se passer est essentiel en histoire, là c'est du n'importe quoi. On le fait à partir de documents et d'une argumentation fournie, pas de traits psychologisant et de spéculations de bacs à sable! Dire que sans cette histoire, pas de révolution française 85 ans plus tard c'est faire un très grand raccourci. Balancer que le fait que Louis XIV a ouvert en 1711 la succession à ces bâtards et d'en conclure qu’après cela, n'importe qui peut venir sur le trône et que la guillotine tranchera, c'est fort de café (on appréciera le point de vue réactionnaire de nos deux tourtereaux). Est-il utile de rappeler que l'on cassa cela dès la mort du roi? Que Louis XIV n'a pas été un enfant de cœur, c'est un fait mais contrairement à ce que les auteurs affirment, Louis face à la succession d'Espagne a eu une attitude semble-t-il plus prudente que celle affirmée. Et les auteurs prennent un peu trop leur fiction pour la réalité : l’introduction se passe dans un monde futuriste ou un ecclésiastique envoie un document présenté comme brûlant sous fond de guère sainte contre l'islam. Ce document lui a été fourni par ses deux amis Rita et Francesco (prénoms des auteurs). Le rapport entre l'atmosphère de guerre sacrée de l'intro et l'histoire, bah on ne voit tout simplement pas le rapport (sympa de jeter de l'huile sur le feu dans ces temps tendus en passant). La conclusion du bouquin se termine de nouveau sur le temps futuriste (2042) et l'on ne voit toujours pas le rapport, sauf que nos deux auteurs mettent à découvert une vérité gênante à la barbe de quasiment tous les historiens. Ils peuvent se tromper etc. mais là, c’est du genre, ils se sont tous complètement gourés mais nous sommes plus intelligents qu’eux. Ensuite si on se réfère à l'argumentation du chapitre "preuves documentées", bravo, chapeau et pourquoi pas écrire alors un bouquin sérieux pour affirmer leurs thèses: tout simplement parceque nos deux compères n'ont aucun moyen de tenir cela sérieusement. C’est pompeux et prétentieux les diplômes de philosophie et de l'histoire des religions ainsi que de musicologues (mentionnés à l’accroche au dos du livre) sont sans doute là pour leur donner de l'importance, c'est lamentable... Un roman n’est pas un livre d’histoire!
Le coup de grâce
Si l'on ne voit pas le rapport entre l'introduction/conclusion et le reste du bouquin, le développement ne s'en tire pas mieux. De bonnes idées, une documentation fournie, ne font pas ici un bon roman. Les différents éléments de l'intrigue s'emboîtent mal, mettre en scène le milieu crapuleux semblait de bon augure mais les auteurs se perdent, on ne voit pas le rapport. Le personnage du Hollandais Albicastro est inutile, en somme, beaucoup de pages en trop. En bref on a affaire à un sacré patchwork. Réac, mal foutu, ça fait beaucoup. Seule bonne idée : fournir un cd de musique baroque avec le bouquin. Un peu de bonne zizique c’est déjà ça.
écrit le 20 avril 2005 par martin
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