
Critique

Histoire du lent délitement d'un couple dans les années 50, La femme gelée s'impose comme un récit majeur dans l'oeuvre d'Annie Ernaux.
Roman publié en 1981, « La femme gelée » est à la fois remarquable et décevant. Remarquable car il décrit avec un grand recul la lente disparition du dynamisme d’une femme vers ce qu’on pourrait appeler sa petite mort. Il y a des moments de vérité incontestable dans ce bouquin. Particulièrement lorsque les petites réflexions du quotidien sont finement analysées pour faire comprendre ce qui se cache derrière : la femme cernée dans son rôle de mère et l’interdiction totale, selon l’auteur, de sortir de ce rôle assigné. Petite précision : le roman se déroule vraissemblablement au milieu du siècle. A ce propos, l’auteur montre de façon impressionnante que l’éducation sexiste ne joue pas plus dans les mentalités que la volonté concurrentielle des filles de prendre le meilleur parti, c’est-à-dire de se marier avec l’homme qui a la meilleure position sociale, acceptant ainsi ne plus être que la femme d’untel au lieu de se revendiquer comme individu unique. Bref, du point de vue d’Annie Ernaux la femme pour être reconnue comme telle se doit d’accepter une évolution qui la laisse prisonnière (du retour de son mari, des difficultés de croissance du gamin, du regard des autres...). Soit. Mais le gros défaut de son bouquin est de faire croire qu’il n’y a rien à faire dans cette situation. Pourquoi n’y a-t-il pas une fois dans les 150 pages de réelle communication entre le mari et la femme, pourquoi aucun dialogue qui pourrait rétablir et atténuer le ressentiment qui grandit entre eux deux ?
Je ne pense pas que cela soit un oubli. Le but poursuivi par Annie Ernaux est de montrer la déliquescence de la femme écrasée par le poids symbolique du mari. Accepté que les 2 parties du couple puissent se parler en adulte, mieux, en amoureux, ne rentrait pas dans le cadre de son livre. Sa description devient alors spectaculaire mais bancale, terriblement bancale, à tel point que le lecteur-homme ressent la même déception envers l’auteur que la femme de l’histoire, envers son mari. Reste alors à se féliciter du début du bouquin, où les passages extra ; crus mais beaux sur l’enfance de la narratrice, révèlent le talent de l’écrivain (tout comme la curieuse façon d’énumérer les faits). Eblouir avant d’agacer. Sans doute aurait-il fallu procéder dans le sens inverse.
écrit le 21 avril 2005 par nicolas
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